Suite anglaise
Dès son premier livre, Julien Green aurait pu choisir pour épigraphe à son oeuvre la phrase du Don Carlos de Schiller qu'il citera des années plus tard dans son Journal: « Surtout, apprenez-lui à porter toujours respect aux rêves de l'enfance. "
Suite anglaise est une promenade chez les écrivains qu'il aime et qui, en 1927, n'étaient que peu connus en France. Comme une figure de poker, le titre annonce une quinte, suite royale de personnages un peu eÎntriques, mais dont le commun dénominateur fut le courage, un courage d'enfant, cette forme particulière de résistance au malheur, aux contrariétés de la vie, à la vie sans rêves, tout cela contrebalancé par le désir de retrouver l'âge d'or.
Chacun des cinq devait préserver à sa façon sa vision du monde : Johnson avec les tyrannies et la malice d'un enfant; Blake d'un oeil qui voit ce qui se cache aux adultes; Lamb d'un coeur pur et naïf; Charlotte Brontë avec cette tristesse et cette innocence qui lui donneront le jour de son mariage'« Pair d'une fleur d'hiver ». Quant à Hawthorne, laissons au lecteur la surprise de découvrir l'histoire de cette vie racontée sans artifice, mais avec une impassibilité frémissante, comme la vie de Lenz par Büchner, par un Julien Green déjà tel qu'en lui-même...
Si Bach a donné à l'auteur l'idée de son titre, le récit semble aussi simple qu'une suite anglaise et, comme elle, parait aller où il veut, et cependant en est le destin qui tient la plume, car le jeune romancier au seuil de sa carrière avait préféré, quelle que soit la figure qu'ils aient montrée à leurs contemporains, parler de voyageurs sur la terre en marche vers l'invisible.