Journal 1946-1950 : Le revenant
Là-bas, aux États-Unis, les exilés de la guerre regrettaient sans doute « l'Europe aux anciens parapets », mais où sont-ils maintenant les garde-fous de l'Europe ? C'est l'après guerre, tout a changé. Dans la grande coupure de quatre ans se sont engloutis des hommes, des villes, des rêves. Qui rendra les jeunes morts, les beautés de Dresde, les quartiers de Londres autour de Saint-Paul, Berlin d'autrefois ?
Voici un homme qui, à l'inverse de Colomb, revient des Amériques, pour redécouvrir des ruines, car à l'effondrement extérieur correspond un affaiblissement de tout ce qui faisait le Vieux Monde. Pour nous qui regardons les daguerréotypes des grands hommes du XIXe siècle, nos célèbres contemporains font souvent piètre figure, la vie en 1946 devait faire le même effet aux yeux de ceux qui avaient connu la douceur de vivre d'avant.
Julien Green, le revenant, redébarque dans son passé, car l'Europe de 1946, c'est à la fois un passé qui s'efface et les limbes d'un monde nouveau.