Journal 1935-1939 : Derniers beaux jours
Hitler au pouvoir, les grèves, les retombées du 6 février 1934, la guerre d'Espagne, celle d'Abyssinie, le réarmement, Munich, l'Anschluss, le cauchemar s'étire sur la terre, comme les nuages avant-coureurs des tempêtes. Cet horizon noir rend plus mélancoliques ces derniers beaux jours qui finiront dans le superbe été de 1939. Le monde a toujours connu ces moments privilégiés d'avant les désastres, comme si la nature faisait des étés trop beaux, des soirs trop limpides, des printemps trop parfumés pour alimenter les regrets et teinter les souvenirs de ce désenchantement sur qui repose toute vie. Pour correspondre au drame de l'Europe, une Europe finissante, - car l'après-guerre sera une de ces cassures brutales qui jalonnent parfois l'Histoire, voici le drame d'un homme jeune tenaillé entre la chair et l'esprit, et passant de l'un à l'autre sans compromis, malgré les déchirements. L'angoisse de la jeunesse qui passe chez Julien Green, étonnamment jeune pourtant, à en amuser ses amis, les tentations du bouddhisme, dont il restera Varouna, trente ans avant les hippies, la vie littéraire aussi bien à Paris qu'en Allemagne ou en Angleterre, dont se détachent les < monstres » comme Gide par exemple, très vivant dans ces pages, avec ses' galurins et son accent, tout le monde insouciant du Paris d'avant-guerre, les soirées Noailles, Dali, non seulement donnent au titre de ce livre un ton désabusé, mais surtout y cachent ce cri du coeur : « Où donc se sont enfuis nos jours évanouis ? » E. J.