Les rues dans l'aurore
Petit extrait d'un échange radiophonique entre André Dhôtel, Germaine Beaumont et Patrick Reumaux, pour une série de cinq émissions réalisées pour les auditeurs de France-Culture en 1975 :
[Patrick Reumaux ] : – Germaine Beaumont, je sais qu’il y a des années que vous êtes passionnée par l’œuvre d’André Dhôtel et particulièrement par ses personnages.
[Germaine Beaumont ] : – Oui. Le premier qui m’a passionnée, c’est ce personnage des "Rues dans l’aurore". Je ne peux pas expliquer pourquoi, un personnage traverse un livre et vous lui emboîtez le pas. Et quand vous emboîtez le pas à un personnage d’André Dhôtel, vous allez très loin, parce que ce sont des itinérants, ses personnages, ce sont des gens qui semblent marcher tout le temps, traverser des régions que personne n’a foulées, même quand c’est aux portes mêmes du village, et ils suivent un destin qui reste très très mystérieux, dont ils ne sont pas eux-mêmes très conscients.
[Patrick Reumaux] : – Je dois dire, moi aussi, que j’ai été très attiré, très passionné, par le personnage de Georges Leban, dans "Les Rues dans l’aurore". Si vous vous rappelez bien, Georges Leban c’est un menteur…
[André Dhôtel] : – C’est pour ça que Mauriac l’a aimé. Parce que c’est un menteur.
[Patrick Reumaux] :– Et pourquoi est-ce que vous avez fait le portrait d’un menteur dans"Les Rues dans l’aurore" ?
{André Dhôtel] : – Mais je n’ai pas fait le portrait d’un menteur ! J’ai fait parler un enfant, et puis il se trouve qu’il a envie de mentir, je l’ai laissé mentir.
[Patrick Reumaux] : – Oui, il semble même que vous l’ayez laissé mentir jusqu’au bout…
[Germaine Beaumont] : – Je crains qu’il l’ait légèrement encouragé.
[André Dhôtel] : – C’est passionnant de mentir. J’avais une de mes élèves qui me disait toujours : « Oh ! ce que j’aime mentir ! »
[Germaine Beaumont] : – Je ne sais pas s’il faut tellement encourager le mensonge et je ne le ferai vraiment pas pour vos personnages, André, parce que ce sont des gens, je l’ai remarqué, dont aucun n’aime beaucoup se fatiguer.
(entretien publié par "La Route Inconnue" - Association des Amis d'André Dhôtel)
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"Les Rues dans l'aurore, ou les aventures de Georges Leban", roman d'André Dhôtel, Gallimard éditeur, 1945, 345 pages