Lettres à une amie vénitienne
Ma chère et belle Amie, pour la première fois seul avec votre portrait je dois dans le silence de la nuit vénitienne vous écrire. Quelle que soit petite cette lettre, elle gardera l'avantage d'être la première. Il y en aura d'autres qui vous répéteront ce qu'elle vient vous dire tout ingénument : combien je suis heureux de vous avoir rencontrée, belle et admirable comme vous l'êtes en tout. J'apprends votre beauté comme un enfant à qui on raconte une belle histoire. Votre coeur a grandi où d'autres périssent. Ne l'oubliez jamais. Ne vous enfermez pas dans un sort, restez ce que vous êtes ; gardez les ailes d'ange qui vous permettent d'entrer dans une vie qui vous a attendue "sans le savoir ―. Ce sont ces mêmes ailes qui vous emportent vers votre Art. Prenez tous vos essors et imposez à ceux que vous rencontrez votre beauté et votre âme comme une loi. [...] Plus tard il me semblera toujours avoir pensé au moment où je vous ai vue la première fois : mais c'est elle, c'est Mimi ! Car je vous aime depuis toujours. Votre Rainer Maria Rilke