Le Goût de l'Amérique
Vingt-deux volumes, une chaire de littérature à Princeton, Joyce Carol Oates, frêle quinquagénaire, s'impose outre-Atlantique comme une valeur sûre.
Loin de bouder le feuilleton, elle réconcilie la comédie humaine et «Dallas», infligeant à ceux qu'elle appelle «des gens comme nous» des épreuves qu'ils croyaient réservées aux autres.
Voyez le couple McCullough, ménage modèle, incarnation du «Goût de l'Amérique». Lui, universitaire de renom, éclaire, explique même le monde à la lumière des données démographiques; elle se consacre - et avec quel succès! - à l'art culinaire.
Un jour, ses recueils de recettes lui permettront de retrouver le temps perdu au fil de paupiettes de sole qui valent bien les petites madeleines.
Ils habitent une maison de verre et leur fille, qu'elle choisisse le bouddhisme ou les claquettes, promet de marcher sur leurs traces.
Vous pouvez chercher: ils sont irréprochables, et pas fiers pour autant.
C'est d'ailleurs par excès de vertu, par compassion pour une femme qu'il connaît à peine, que le mari commet une imprudence. Qui déclenche le drame. Entre les huîtres fumées du début et les gâteaux au kiwi de la fin, l'auteur nous sert tant de morceaux de bravoure que l'envie viendrait parfois de crier: «Pouce!», si l'Amérique comblait jamais la fringale de ceux qui y ont goûté.