Aile de corbeau
Difficultés de la vie de couple, dégradation de la passion dans le quotidien, scènes anodines, en apparence, de la vie de tous les jours… Joyce Carol Oats a l’art de décrire en quelques lignes une situation, une émotion, d’évoquer tout un univers avec ironie et une certaine distance dans le regard.
Aucun détail cruel ne lui échappe. Dans Aile de Corbeau, le mari s’intéresse plus au sort d’un cheval de course blessé qu’à sa jeune femme enceinte. Dans Nairobi, un jeune et riche homosexuel offre une tenue élégante à une jeune fille inconnue pour qu’elle joue le rôle de sa petite amie dans un cocktail mondain. Cynisme de la vie, mépris pour l’autre, manipulation ? On ne le saura pas. Mais Oates a le mot juste pour chaque situation, si invraisemblable soit-elle. La bassesse humaine atteint son comble dans Harrow Street, où Catherine et Drew, mariés depuis cent huit jours, épient les ébats amoureux de leurs voisins. Curiosité ? Ennui ? Leur couple n’y survivra pas.
Sensations physiques très fortes dans Airs et voix anciens. Le plaisir dans sa crudité, les ruptures, l’inexplicable fin du désir. Le déchirement d’un adolescent qui meurt de n’avoir jamais surmonté les conflits de ses parents.
Toujours le malaise plane, retient l’attention du lecteur, obsède, avec la peur qu’un drame ne survienne-qui parfois ne se produit pas. Le trouble est là, présent même dans les situations les plus simples, qu’évoque une variété étonnante de styles, d’atmosphères, de scènes d’un érotisme violent. Il y a quelque chose de barbare dans Aile de Corbeau, une sensation étrange d’incertitude, parfois à la limite du tolérable. Comme si Joyce Carol Oates, refusant l’émotion, s’employait à dire la vérité humaine dans sa brutalité, sans aucun artifice.