L'Homme aux gants de toile
On l'a vu d'abord passer comme une ombre dans les forêts, évitant les bûcherons et les charbonniers. On s'est habitué à sa haute silhouette barbue en « carapousse » brune et même à cette bizarrerie des mains toujours gantées de chanvre bis. Puis, il s'est rapproché, a parlé un peu et, d'instinct, on a compris qu'il n'était pas qu'un simple paysan. Est-il un régicide, un royaliste, un comploteur contre le régime impérial venu se cacher dans le fouillis d'arbres et de marécages de ce coin du Cotentin ? Quel lourd secret le jette dans la solitude des cépées obscures après qu'il a abattu des arbres tout le jour avec une force de géant ?
Dans la région, on a vite cessé de s'interroger sur le compte de ce « Monsieur Louis », si prompt à venir en aide contre les fièvres qui rongent les maraîchins, contre les gendarmes qui emprisonnent les contrebandiers. Mais, à Paris, il y a des gens plus curieux, et Flammèche est de ceux-là. Déguisé en colporteur, il cherche, de village en village, l'inconnu dont il a deviné le secret, afin de lui vendre chèrement son silence.
Jeu dangereux quand on a comme adversaire tout un pays et l'amour d'une femme.