L'Amour inquiet
Stefan Zweig a toujours eu du succès comme auteur de nouvelles et surtout auprès des femmes. Mais cette réputation d'écrivain léger est un malentendu. Elle cache la valeur littéraire et morale de son œuvre et ne correspond ni à la vision élevée qu'il avait de la littérature, ni à sa nature plus complexe que celle d'un homme de bonne compagnie.
Sa première femme, Friderike, ne se trompait donc pas lorsqu'elle lui écrivait en 1930 «J'ai eu le cœur lourd à la pensée que personne - à part moi- ne te connaît vraiment...». En1951, neuf ans après la mort de Zweig, elle publie leur correspondance sous le titre L'Amour inquiet afin de le montrer sous son vrai jour.
Même si leur relation n'a pas toujours été simple, elle a été pendant près de trente ans l'être le plus proche de lui. Ils ont connu ensemble des moments d'entente physique et intellectuelle eÎptionnelles dont témoignent ces lettres.
Friderike qui admirait l’œuvre de Zweig a été sa première lectrice et la gardienne du calme dont il avait besoin. Conscient des sacrifices qu'elle lui consentait, il la remerciera souvent d'avoir su le prendre tel qu'il était avec ses défauts et parfois ses infidélités.
A travers cette correspondance, on découvre un auteur dans toute son intimité.
Malgré ses succès, Zweig était, en fait, un être tourmenté, fragile, sceptique sur la valeur de ce qu'il écrit, à la fois épris d'indépendance et désireux d'avoir quelqu'un qui le protège et le soutienne. Friderike savait-elle vraiment à quoi s'attendre lorsqu'elle lui dit en 1912 : «Que me vienne de toi le bonheur ou la souffrance, je les accueillerai avec délices. Ne me ménage pas. Je suis forte» ? Les évènements politiques puis la deuxième guerre vont les séparer. Zweig sombre de plus en plus dans la dépression et devient irritable. Dès 1937 il quitte l'Autriche et Friderike : on peut voir dans ces décisions hâtives les signes avant-coureurs de son suicide.