Lettres de la vie littéraire

Albertine Sarrazin

Lettres de la vie littéraire
316 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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3.62
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Les Lettres de la vie littéraire, 1965-1967, révèlent un autre aspect d'Albertine Sarrazin, une autre dimension de son talent :

lorsque les Lettres à Julien, écrites en prison, témoignent d'une longue patience dans le malheur et d'un amour devenu légendaire, les Lettres de la vie littéraire sont le reflet d'une eÎptionnelle revanche : la foudroyante conquête d'une célébrité mondiale, par celle qui ne connaissait guère, de la vie, que les humiliations et les peines. Après sa longue expérience de la solitude, Albertine Sarrazin se voyait partout reconnue, fêtée, adulée, recevant par centaines des lettres chaleureuses de lectrices et de lecteurs. A ces lettres, elle répondait souvent. Mais elle était restée fidèlement en correspondance avec les très rares amis des années sombres, et en particulier avec Mme Gogois-Myquel, dédicataire de La Cavale. Toujours sous le coup d'une interdiction de séjour à Paris, elle résidait le plus souvent à Montpellier, et donc c'est par lettres qu'elle restait en contact avec Jean-Jacques Pauvert et ses collaborateurs, à qui elle se confiait longuement. Enfin, pendant ses séjours autorisés à Paris, elle écrivait quotidiennement à Julien, son mari. Selon la personnalité du destinataire et sa propre humeur du moment, la diversité de ton d'Albertine Sarrazin est, dans ces lettres, tout à lait remarquable. La souplesse, la richesse, l'originalité du tempérament s'affirment à chaque page. Mais aussi, avec malice, la jeune femme montre ici combien elle sut demeurer lucide et sage dans sa nouvelle situation de vedette littéraire. S'adressant à des intimes, elle ne craint pas d'égratigner à l'occasion tels vaniteux personnages rencontrés dans le tourbillon dont son passage était partout entouré. Nullement grisée, jamais dupe, elle ne fut même pas étonnée de ce qui lui arrivait. A vrai dire, cet immense succès, elle en avait toujours été assurée, elle l'attendait avec ferveur, comme le montrent son Journal intime et ses lettres écrites avant la publication des romans. Voir son rêve devenu réalité lui parut une chose toute naturelle, et bien due par le destin.

Encore est-elle morte sans avoir connu toute l'étendue de sa gloire. Elle n'a pas su qu'en quelques années son oeuvre deviendrait classique, offrant matière à des thèses savantes dans les universités de tous les pays. Mais elle a hautement savouré les commencements de cette prodigieuse carrière, - en voulant être ferme devant le trop de joie comme elle avait su être ferme devant la douleur, l'épreuve heureuse étant peut-être plus difficile à surmonter encore que l'autre. C'est donc aussi une leçon de courage que donnent ces Lettres de la vie littéraire, 1965-1967, une leçon à la manière d'Albertine, c'est-à-dire avec gaieté, vivacité, fantaisie, humour. On admirera une fois de plus ici la qualité d'un style qui, spontané, rapide, non retouché, soutient la comparaison avec ses écrits les plus élaborés. Albertine Sarrazin, romancière, poète, moraliste, se classe aussi. dans ce genre épistolaire qui est éminemment féminin, au tout premier rang des écrivains français.

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