Black Flag
Comme dans la plupart de ses romans, Valerio Evangelisti jongle une fois encore avec les codes temporels, et promène son lecteur à travers plusieurs époques. Dans Black Flag, il alterne un futur très éloigné, où le monde s’est transformé en un gigantesque hôpital psychiatrique d’une violence extrême, une époque plus proche de nous, où l’on voit les Américains bombarder la ville de Panama City, avec une hargne qui rappellent étrangement l’attentat du World Trade Center, et un passé plus lointain, celui de la guerre de Sécession, où l’on retrouve Pantera, le chaman métis, déjà protagoniste de la nouvelle du même nom dans Métal Hurlant (Rivages, 2001). Sur Paradi, les psychiatres tentent de soigner la schizophrénie qui a envahi le monde par des électrochocs collectifs - les malades étant devenus trop nombreux - et les rapports humains n’existent que dans la violence. Parmi ses misérables habitants se trouve Lilith, qui hait tout le monde, et que tout le monde hait. Une mission de contrôle arrive de la lune, sans se douter qu’un seul de ses membres repartira vivant, grâce à l’aide de Lilith. Mais quelle est donc la véritable identité de celle-ci ? À Laredo, Pantera, pistolero messianique aux allures de Clint Eastwood, est engagé pour tuer Koger, un étrange homme-loup. Lorsque ses commanditaires se retournent contre lui, Pantera se retrouve embrigadé malgré lui sous le drapeau noir d’une unité de rebelles sudistes adeptes de la violence sous toutes ses formes. Il y prendra sous sa protection un vieil Indien radoteur et une prostituée particulièrement laide. Ce n’est qu’au terme d’une longue errance avec les rebelles qu’il découvrira la vraie nature de Koger… Black Flag est le premier livre de Valerio Evangelisti où l’auteur italien ne choisit pas pour héros le grand inquisiteur Nicolas Eymerich. Cette fois, la violence est à la fois le thème et le personnage principal de ce nouveau roman dans lequel, par un jeu de miroirs entre les différentes époques, il nous montre son évolution, sa trajectoire inéluctable. Comment, peu à peu, les hommes deviennent-ils des êtres dénaturés qui ne se réfugient plus derrière le moindre manichéisme pour justifier leurs actes barbares ? A quoi bon prétexter défendre le bien pour faire le mal, quand le bien n’a plus aucune valeur sociale ou politique ? Questions brûlantes qu’il est peut-être vital de se poser en cette période troublée de notre histoire.