Moi, Néron
Si les cendres de l'incendie de Rome ont noirci ma toge, si mes orgies ont marqué les foules, personne ne me connaît réellement. Personne ne sait vraiment ce que moi, Néron, empereur de Rome, j'ai pensé, fait et dit. Personne n'a compris que je ne suis pas et n'ai jamais été le fanfaron fantoche que l'on présente, l'histrion fou que des délateurs et comploteurs ont poussé aux pires extrémités. Fasciné par les arts, obsédé par les femmes, moi, le petit-fils de Marc-Antoine, j'ai osé les actes les plus eÎssifs par goût de la provocation. Car surprendre, choquer, brusquer, étonner relève de l'art. Celui des souverains qui impriment leur marque à leur époque.
Qui a révolutionné les moeurs de l'austère Rome, émancipé les matrones soumises, vanté les vertus des délices cachés, sinon moi ? Qui a subi la tyrannie de sa mère, Agrippine, celle qui empoisonna ses maris et ennemis à l'aide de potions concoctées par la terrible Locuste pour lui offrir le trône, sinon moi ? Qui est, parvenu à s'émanciper de cette reine incestueuse lors d'un ultime crime libérateur, sinon moi, empereur matricide torturé par la peur ? Qui, jouisseur invétéré, osant braver les dieux, a préféré les charmes d'une ancienne esclave chrétienne, prénommée Actée, à la fadeur au teint de complot de son épouse Octavie, sinon moi ? Qui aurait voulu être acteur ou cocher et joua jusqu'à la démesure son rôle de souverain voué à Apollon, Dionysos et Mythra, sinon moi, Néron ?
Poussé jusqu'aux portes de la mort - à trente ans - par des traîtres que j'avais aidés tout au long de mon règne d'or et de sang, de luxe et de plaisir, par des nobles qui ne supportaient pas que je leur préfère la plèbe, je n'ai eu qu'un mot pour saluer mon dernier voyage : Quel artiste le monde va perdre ! .
Un artiste dont ce roman-mémoire passionné livre un visage nouveau. Au delà des larmes et du temps, un visage qui mérite d'être regardé autrement