Moi, Mitounet-Joli
A l'origine de ce livre, il y a deux nostalgies, et aussi une promesse.
Nostalgie des petits romans pour enfants qui paraissaient, par tranches, dans la Semaine de Suzette de l'entre-deux-guerres, chaque livraison dûment chapeautée d'un "résumé des chapitres précédents".
Nostalgie du Petit Lord Fauntleroy de Mrs. Frances Hodgson Burnett, histoire, assez sordide au fond, d'une récupération d'héritage, mais opérée "au charme" par un irrésistible enfant blond, de mère américaine, qui fait la conquête de son grand-père paternel, un vieil aristocrate anglais dur à cuire...
Quant à la promesse, c'est celle qui était faite, dans la prière d'insérer des Rêveries d'un Martien en exil, de présenter un jour au public un échantillon de roman martien.
Ce roman, le voici : un jeune Martien, de race martienne, mais terrien par son père, passe quelques semaines au sein de sa famille paternelle, quelque part en Frce. Entre la famille et lui, ce ne sont, dès le premier jour, que gaffes, quiproquos, malentendus, jusqu'au moment où le drame éclate.
Livre utile, salubre, et même nécessaire : depuis le temps qu'on parle, ici-bas, de la perfidie martienne, et là-haut de la barbarie terrienne, il serait temps que les deux populations apprennent enfin à se connaître en profondeur, à s'accepter l'une l'autre.
Une critique cependant : bien que le récit se présente comme un fragment d'autobiographie, on peut se demander si l'auteur a vraiment jamais mis les pieds sur la Terre. Fort précise sur certains points, sa documentation présente, sur d'autres, de surprenantes lacunes, et contient, çà et là, quelques erreurs flagrantes.
Mais nous ne sommes pas de ceux qui demandent à une oeuvre de fiction d'être "vraie". Nous lui demandons de nous faire pénétrer dans un univers crédible, et cohérent avec lui-même.
Ce but est-il atteint ? Le lecteur en jugera.
Pierre Gripari