Les hain-teny merinas
En publiant chez Paul Geuthner, en 1913, le premier recueil de hainteny en français, Paulhan aura rendu lisible une part de la culture malgache. Il a fait de l'Emyrne (le pays où l'on voit au loin), un domaine propre mais partageable, une enseigne lointaine mais qui "faisait signe". Ouvrage bilingue destiné aux savants, il a essaimé chez les poètes, à qui il pose la question de l'effet de leur langage. Extrêmement poétique par ses traductions, et porteur de moments narratifs très purs, il est aussi traversé par une double inquiétude, puisque les paroles qui s'y lisent auraient pu être perdues, mais que leur recueil peut à son tour être compris comme une perte. L'antiquité des hainteny est la qualité qu'on leur reconnaît le plus volontiers. Elle coïncide avec le respect de la sagesse ancestrale. Contrairement au pantoum malais, ou au haiku japonais, le mot hainteny n'est pas aujourd'hui retenu dans les dictionnaires de langue française. Qu'est-ce qu'un hainteny ? Adage ou dicton, c'est en tout cas un proverbe populaire, initialement dans le genre érotique. Paulhan interroge la progressivité du sens. Aussi "le découvrement" d'une signification n'est pas une donnée immédiate de la conscience, mais le résultat d'une "expérience du proverbe", qui sourd au fond de "l'observation du proverbe", quand celle-ci a été épuisée. Il est un processus rythmé par le scrupule, et régulièrement scandé par des formules. Le travail malgache de Paulhan reste un travail critique, qui débouche sur la dénonciation de deux illusions, celle de l'explorateur et celle du traducteur. Tout cela au fond est déjà dans le mot même de hainteny, compris comme "mots-de-science" ou "science-du-langage". Qu'un texte soit savant, utile, éventuellement poétique, qu'il touche son destinataire, que sa fluidité soit sécable en dialogues, voilà tout le programme de la réflexion et de la vie de Jean Paulhan. Edition et préface de Bernard Baillaud. - 4ème de couverture -