Laurent
Avoir vingt-trois ans, le visage aigu d’un ange, des dons pour la poésie et le charme d’une intelligence sensible, songeuse, que demander de plus à l’existence ? Laurent de Balivière, brillant étudiant à la faculté de droit, vit dans une famille unie – un frère, une sœur, une mère aimante et discrète- sous le règne débonnaire du « Maestro », poète célèbre et père soucieux de comprendre les incertitudes d’une jeunesse à la dérive. Car Laurent, comme plusieurs de ses camarades, garçons ou filles, est à la recherche d’une raison d’être dans cette société qui a proscrit l’effort, l’élan, l’idéal et souvent la foi. « Vous êtes libres », leur crie un professeur lucide, qu’inquiète cette vacuité morale, mais que faire de cette liberté ? Entre un Dieu auquel il ne croit plus et un socialisme dont il vit bien les lacunes, entre la drogue qui endort ou détruit les unes et les amours brèves qui enivrent les autres. Laurent s’enferme de plus en plus dans sa solitude assiégée, dans son exil intérieur. Il est resté « l’enfant qui suivait son rêve », et son rêve, où pouvait-il encore le mener, dans un monde sans amarres et sans espérance ?
A son clair talent d’écrivain, toujours attentif à cerner les êtres, les milieux et leurs mobiles, avec un sens aigu de la vérité romanesque, Michel de Saint Pierre ajoute l’émotion d’un homme qui réfléchit honnêtement, dans le profond de son cœur, à l’un des problèmes essentiels de notre époque. Et parce qu’il s’y est engagé tout entier, son livre surprend et bouleverse, tandis que Laurent, avec ses doutes, ses angoisses, devient le plus exemplaire, peut-être les plus vivant de tous ses personnages.