De mon propre aveu
Que sait-on de Jacques Vergès ? Que sa naissance d'un père consul de France et d'une mère vietnamienne, dans les années 20, le plaça d'emblée sous les auspices d'un destin révolutionnaire. Qu'il ne put résister à l'appel de Charles de Gaulle parce qu'il était général, condamné à mort par le gouvernement de Vichy... Qu'il embrassa les rangs du communisme dans la plus grande indiscipline. Qu'il tirerait de Che Guevara le brouillard de ses bouffées de cigares et de Mao ses plus sinueux jeux d'ombres. Qu'il deviendrait l'avocat du F.L.N. en particulier et de l'anticolonialisme en général, et rencontrerait la future mère de ses enfants, une poseuse de bombes, à la sortie d'une salle de torture. Qu'il s'enfoncerait toujours plus loin dans cette mystérieuse zone de turbulences et d'aventures qui s'étend entre la condamnation, qu'elle soit morale ou judiciaire, et la mort. Plaidant les causes désespérées, retournant les cartes du destin, confrontant les crimes les plus abominables aux culpabilités rampantes des sociétés policées. Mais condamné, Jacques Vergès l'est lui-même. Comme nous tous tôt ou tard. Loin d'être morne, le soir de sa vie est cependant un grand soir. Où l'amour rejoint l'évocation d'ombres innombrables et bouleversantes : compagnons d'armes, amis fidèles et héroïques, amantes éperdues mais aussi figures de criminels, de bourreaux et de suicidés. Se donne à lire, ici, l'énigme d'un destin aussi rebelle que romanesque, parfois facétieux, où court en filigrane le regard le plus tendre comme le plus grave sur la vérité de l'âme. Servi par une verve éblouissante.