Dans Mon Pays Lui-Meme
Chroniqueur amusé et lucide du quotidien à L'Évènement du Jeudi et sur France-Inter ("Nous vivons une époque moderne"), Philippe Meyer, durant plusieurs mois, a parcouru la France : Saint-Flour, Ouessant, Sète, Angers, la Corde, le Nord, un pèlerinage au Chemin des Dames, une visite à l'ENA le temps d'un concours d'entrée... Il livre ici les impressions de de voyage.
Subjectif, parcellaire, tant qu'on voudra : au gré de ses curiosités ou de ses étonnements, il a observé les moeurs et les modes de vie, tenté de comprendre les problèmes ou les points de vue. Presque toujours séduit par les lieux et les gens, il l'a moins été par les systèmes qui prétendent les administrer. Plein d'humour et de sensibilité, d'anecdotes et d'informations, sont récit est une passionnante photographie de la France d'aujourd'hui, en même temps qu'il révèle un vrai talent d'écrivain.
"C'est tout simplement épatant. Philippe Meyer est revenu éberlué et ému de son voyage. Nous aussi. "(Michel Schifres, Le Figaro)
"C'est l'humanité qu'il a voulu rencontrer, c'est l'oubli de celle-ci qui l'indigne et qu'il nous invite à réparer." (Jean-Marie Colombin, Le Monde)
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L'auteur s'est baladé dans la France dite profonde (le titre provient d'Aragon : En étrange pays dans mon pays lui-même). Ce livre savoureux date de 1993 et paraît par bien des cotés actuel, qu'on en juge :
- Saint-Flour : les notables se sont arrangés pour repousser l'autoroute et les usines afin de préserver leur tranquillité et râlent après l’État que la ville dépérit.
- Ouessant : on réclame à l'administration plus de navettes avec la terre alors que celles qui existent sont déjà aux trois-quarts vides.
- Molène : réunion électorale, toutes les questions sont du type : "Que pouvez vous faire pour moi, pour ma catégorie ? Qu'est-ce que ça me rapporte de voter pour vous ? " Pas une seule question nationale.
- Sète : c'est le coin que l'auteur a semble-t-il le plus apprécié. La région, le département et la municipalité font construire un port ultra moderne. Malheureusement, le parrain local et le bon sens ont considéré que le vieux port au centre-ville était plus pratique que le port neuf eÎntré, qui est en conséquence resté désert.
- Corse : l'envie est un des sentiments les plus puissants de l'île. On reproche à ceux qui partent de partir, on leur reproche de revenir plus riches, on en veut à ce qui restent et qui travaillent de réussir, leur travail sonnant comme un reproche pour les autres. Cependant, tout ce monde peut être accueillant.
- Le Havre : des tas de "cucultureux" subventionnés pour des spectacles sans spectateurs, nouvelle forme de parasitisme, d'inspiration languienne. (Je connais quelques spécimens dont le cortex n'abrite que de très sommaires pensées politiques : "Sarkozy est un fasciste." "Me refuser une subvention, c'est du fascisme, c'est une atteinte à l'art." Inutile de chercher la cohérence de ces gens qui trouvent normal de faire payer la collectivité pour une "culture" dont personne n'estime qu'elle vaut le sacrifice du prix d'un billet d'entrée.) On notera que, depuis, Le Havre est passé à droite avec A. Rufenacht à la plus grande satisfaction des habitants.
- Wattrelos : une mairie socialiste, où le personnel municipal parle le patois psycho-sociologique, aux petits soins pour ses administrés, tellement que, quand ceux-ci ont envie de se distraire, ils vont dans la ville belge voisine car chez eux, on s'ennuie à mourir.
- Le Chemin des Dames : à mon avis, devrait être visité par chaque Français, comme le cimetière américain d'Omaha (1). Voici un extrait du chapitre de P. Meyer sur le sujet :
Gibeau [chercheur incroyant] aussi bien que le père Courtois [chercheur jésuite], le père Courtois aussi bien que Gibeau collectionnent et font connaître les témoignages, les Mémoires, la correspondance, les thèses, les ouvrages d'historiens, les romans, les films qui mettent en lumière tout ce que des soldats, des sous-officiers, des officiers, des médecins-majors, des aumôniers militaires imaginèrent, osèrent, improvisèrent à leurs risques et périls pour atténuer les conséquences des décisions d'état-major.
Un état-major de technocrates en uniforme, opposant aux rares hommes politiques qui prétendaient mollement les contrôler que nul ne saurait mieux savoir qu'un spécialiste. Des technocrates en uniforme se protégeant de la critique en invoquant l'héroïsme - des autres -, le sacrifice - des autres -, les souffrances - des autres. Il fallut quarante mois pour que l'on croie enfin que « la guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires » et pour qu'avec Clemenceau la conduite des affaires fût confiée à un « responsable » qui tienne la dragée haute aux joueurs de Kriegspiel. Ceux-là même dont les successeurs devaient se montrer incapables de voir venir et de préparer le conflit suivant, non par sympathie pour le national-socialis