Mon livre surprise

Chu Ta : le génie du trait 1626-1705

Francois Cheng

Chu Ta : le génie du trait 1626-1705
160 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
Notes
Note globale
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4.42
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Pourquoi avoir choisi Chu Ta (1626-1705) — dont nombre de lecteurs savent désormais qu'il fut le maître du génial Shi Tao ? Non parce qu'il est le plus grand (il est tout de même l'un des plus grands), mais parce qu'il occupe, dans l'histoire de la peinture chinoise, une place unique : à la fois dépositaire d'une tradition millénaire parvenue à son plus haut accomplissement… et explorateur d'une modernité qui s'engage avec une superbe imprudence dans les voies nouvelles. Un mot d'abord de l'artiste lui-même… Il est de sang royal, apparenté aux empereurs de la dynastie des Ming, qui règnent sur la Chine jusqu'en 1644. Cette année-là, le pouvoir passe aux mains des Mandchous, dont Chu Ta méprise la brutalité. Il a dix-huit ans, une forte personnalité, et on le destine aux plus hautes fonctions. Mais plutôt que de pactiser avec le nouveau pouvoir, il décide de renoncer au monde et de revêtir l'habit de moine. Et pour bien signifier qu'il n'a plus rien à voir avec les hommes de son temps, qui l'ont amèrement déçu, il simule le mutisme (alors qu'il avait la réputation d'être un causeur éblouissant) : il ne prononcera plus un mot jusqu'à sa mort… 61 ans plus tard ! Et il ira ainsi, de monastère en monastère, passant tantôt pour un fou, tantôt pour un génie incompris, et se consacrant jour après jour à la seule chose qui désormais compte pour lui : la peinture. Son style est immédiatement reconnaissable : à l'image de son caractère entier, emporté, eÎssif, il procède par traits rapides, violents, souverains. Quelques taches lui suffisent pour recréer un monde. Un monde qui lui ressemble : ombrageux, orgueilleux, réduit à la pure saisie d'un regard pressé d'aller à l'essentiel. Qu'il s'agissent en effet de paysages, d'animaux ou de plantes (les trois grands thèmes traités par Chu Ta), c'est toujours à des manières « d'autoportraits » que nous avons affaire — ce qui confère à la moindre de ses oeuvres un accent de sincérité tout simplement bouleversant. François Cheng s'est pris de passion pour ce peintre résolument provocateur, que les artistes modernes — Zao Wou-ki, Soulages — reconnaissent volontiers comme un de leurs maîtres. Fidèle à son habitude, il a été chercher ses images — la plupart d'entre elles en tout cas — dans les musées de Chine : la majorité d'entre elles, insistons-y, n'avaient jamais été reproduites en Occident avant la publication de ce livre. Dans le même esprit que le Shitao de François Cheng, réédition d'un classique du même auteur : Chu Ta : le génie du trait. Formidable évocation de la vie et de l'oeuvre d'un fou de peinture qui contribua à inventer, avec deux siècles d'avance, ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler la modernité.

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