Un ciel étranger
Après Nous ne jouons pas sur les tombes (2015), qui présentait un choix de poèmes de l’année 1863 – la plus prolifique de l’auteur – et Ses oiseaux perdus (2017), qui se concentrait sur les 5 dernières années de sa vie (1882-1886), nous éditons aujourd’hui des poèmes écrits en 1864 par Emily Dickinson. Cette année-là, Dickinson, alors en pleine effervescence créatrice (850 poèmes composés entre 1862 et 1865), effectue un séjour long de 7 mois à Boston pour soigner ses yeux, ce qui réduit sa production poétique (98 poèmes recensés). Ce « ciel étranger » est donc celui de la grande ville, où Dickinson se sent comme une migrante, n’y trouvant pas sa place. Trop d’humains sûrement, elle qui préfère la compagnie des esprits, des livres et des lettres à celle trop bruyante des hommes. Quel est ce monde que nous habitons, destinés à en être les passagers, parfois clandestins, souvent anonymes, rarement célestes ? Dickinson s’adresse à ses mythes, aux êtres disparus, aux terres imaginaires. Elle ouvre des passages entre l’immortalité et la poussière, à travers le temps et les douleurs, cherche un endroit où l’écho de sa voix n’est pas la seule réponse. Elle semble invoquer, poème après poème, un compagnon à qui parler, qui ne serait ni un homme ni un dieu. Un soleil qui éclairerait toutes les surfaces de la terre, à rebours de notre nuit, avec tendresse et vérité.
Nous poursuivons avec Un ciel étranger notre édition des poèmes d’Emily Dickinson regroupés par années, ouvrant à une approche plus précise de cette œuvre jamais organisée en recueils, mettant au jour les thématiques constantes, les glissements et les impulsions d’une poète mystérieuse, bouleversante et insaisissable.