Stendhal. Le bonheur vagabond
Jean Lacouture, l'un des meilleurs biographes français contemporains, propose ici un portrait insolite d'Henri Beyle, dit Stendhal. C'est le Beyle voyageur, l'écrivain de génie parc ourant l'Europe, de la Prusse à l'Italie, dans le sillage de la Grande Armée napoléonienne. Ce voyageur-là, qui n'a pas trente ans et qu'on n'appelle pas encore Stendhal va de découverte en découverte et d'amours passionnées — notamment pour la belle Mina de Griesheim —, en découverte de Mozart qui est pour lui «la quintessence de l'âme du Nord». Dans un livre précédent, «Montaigne à cheval», Jean Lacouture avait mis pareillement ses pas dans ceux de l'auteur des «Essais» et enthousiasmé de très nombreux lecteurs, en France comme à l'étranger. C'est peu de dire, en effet, que Stendhal fut l'un des écrivains français les plus passionnément «voyageurs». Grâce à son cousin Daru, futur ministre de Napoléon, il découvre très jeune l'Italie (pour laquelle il s'enthousiasme) et s'engage dans les dragons. Bientôt démissionnaire, il doit attendre 1806 pour s'expatrier dans l'administration impériale, d'abord à Brunswick, puis à Vienne, en 1809, et à Moscou, en 1812. Il écrit ses Lettres sur Haydn, publiées en 1815 sous un nom d'emprunt. Sans emploi à la chute de l'Empire, lassé d'attendre vainement un poste en Italie, il passe sept ans de liberté (entre 1814 et 1821) seul à Milan, où il rédige une Histoire de la peinture en Italie (1817) et un livre de voyage, Rome, Naples et Florence (1817 et 1826), signé «M.de Stendhal, officier de cavalerie». Revenu en France en 1821, il publie l'année suivante De l'amour, inspiré d'une de ses nombreuses passions malheureuses. Mais ses voyages ne s'arrêteront pas là. Envoyé par la monarchie de Juillet comme consul à Civitavecchia, il se raconte infatigablement dans ses Souvenirs d'égotisme (1892) et la Vie de Henri Brulard (1890), qui, comme ses deux romans inachevés, Lamiel (1889) et Lucien Leuwen (1894), paraîtront bien après sa mort. Il faut l'aubaine d'un congé à Paris, qui se prolonge durant trois ans (1836-1839), pour voir paraître les Mémoires d'un touriste (1838), ses principales Chroniques italiennes (1839). Voilà, comme pour Montaigne, ce qu'on pourrait appeler une «biographie en mouvement». Lacouture s'intéresse en effet à cet étrange passion pour le voyage qui a constamment habité Henri Beyle et l'a poussé sur les routes. Il en résulte un petit livre joyeux et heureux. Une chronique des découvertes, des passions — et même des boulimies — de Stendhal, cet homme «incapable de rester en place». Plusieurs chapitres de ce livre on été publiés cet été, en bonnes feuilles, dans l'hebdomadaire "La Vie" et y ont rencontré un vif succès. À cette occasion, la rédaction de ce journal avait effectué une remarquable recherche iconographique. La plupart de ces documents, en couleurs, sont repris ici dans un "cahier" central.