Monsieur Kraus
- La question est simple : les impôts servent à améliorer la vie du pays. On est d'accord ? - On est d'accord. - Donc, plus un individu paie d'impôts, plus la qualité de vie du pays s'améliore ? - Alors, moins il reste d'argent à chacun à la fin du mois - à cause des impôts - plus le pays en a, lui. A la limite : quand quelqu'un achète du pain et du beurre et qu'il les mange, objectivement, il vole ce pain et ce beurre au pays. - Ainsi, plus la vie de l'habitant se dégrade, plus celle du pays s'améliore. - E¬t. - Que vive le pays ! s'exclama le Premier Assesseur. - Mais sommes-nous au service du citoyen à titre individuel ou du pays comme une totalité ? - Du pays comme une totalité, Chef ! crièrent à l'unisson les Assesseurs. - Et le pays appartient à tous ! insista le Premier Assesseur. - Conclusion, si notre objectif patriotique est d'améliorer la qualité de vie du pays, il nous faut... - Dégrader la qualité de vie du citoyen ! - Et voilà ! "
Monsieur Kraus fait partie de l'ensemble 0 Bairro, quartier peuplé de personnages portant des noms d'artistes célèbres, dont on pénètre le quotidien par le biais de courtes saynètes. Y flaner nous mène chez Monsieur Valéry qui fait des bonds pour se grandir, Monsieur Calvino qui enferme le néant dans un ballon (tous deux publiés aux éd. Viviane Hamy), puis chez Madame Woolf, Monsieur Duchamp, Madame Pina Bausch, Monsieur Breton... Pour l'auteur, le Bairro constitue " un lieu où l'on tente de résister à l'entrée de la barbarie ".