Mes petits chéris
Souvent réduit à un simple auteur pour la jeunesse ou bien à un chantre du colonialisme et de la morale, ces lettres à ses enfants montrent un Rudyard Kipling débordant d’amour et d’humour.
Émaillée de dessins humoristiques, constellée de jeux de mots, cette correspondance mélange les menus faits du quotidien et les événements officiels les plus importants, que l’auteur des Histoires comme ça raconte avec un formidable sens de l’exagération et du grotesque. Dans la plus pure tradition du nonsense anglais, il manie l’absurde et croque avec une délicieuse férocité amis et membres de la famille.
Il singe également la langue des enfants et tourne en dérision leur orthographe approximative. Qu’il parle de la réception du prix Nobel ou d’un voyage en grandes pompes au Canada, il a le sens du détail qui fait mouche, trouve toujours l’élément qui fera rire ses enfants, surnommés affectueusement « le vieil homme » et « l’oiseau », et qui leur fera oublier aussi l’ennui et la rigueur du pensionnat – Kipling ayant lui-même connu une douloureuse période dickensienne dans son enfance, il faut peut-être y chercher cette capacité d’empathie paternelle qui le caractérise. Mais ces lettres à l’inventivité affectueuse et joyeuse pourraient n’avoir qu’un intérêt anecdotique, si on ne les savait encadrées par deux drames : la perte prématurée de deux de ses trois enfants.
Le choix de Thierry Gillyboeuf, sa présentation et sa traduction rendent merveilleusement le charme de cette correspondance qui porte en elle le « secret d’enfance magique de la vie ».