Comment exprimer les affres et les doutes d’un couple en milieu de vie ? Comment raconter les désillusions, les petits mensonges, les regrets et les jeux de séduction ? Riche en 1992, de l’expérience de plus d’une vingtaine de films tournés, Woody Allen pouvait se permettre une digression vers une grammaire moins "classique" du cinéma de fiction. Ponctué d’interviews "sur canapé", Maris et Femmes est en effet mené comme une investigation sur la vie de ses différents personnages, une sorte de recueil de "scènes de la vie conjugale" prises sur le vif par une caméra portée omniprésente. Ce n’est pas la première incursion du réalisateur dans le pseudo-reportage – on se souvient en effet de Prends l’oseille et tire-toi et du génial Zelig. Loin du burlesque de ses premiers films, cette forme de mise en scène "colle" parfaitement au caractère un peu désenchanté et sans concession de cette réflexion sur les relations à l’intérieur du couple : d’un côté, les longs plans séquences accordent aux acteurs une liberté créatrice étonnante – on ne se lasse pas de voir y exploser le talent de Judy Davis –, de l’autre, la présence déroutante de faux-raccords, de "sautes" dans la continuité laisse une étrange sensation de raté et d’inachevé. "Documentaire psychologique" intimiste parfois cru et ironique, parfois pudique, Maris et Femmes résonne comme l’auto-analyse d’un réalisateur-acteur qui, décidément, cache bien mal sa présence hors champ. --Arnaud Caire