Les Commencements
Un œil jeune aime recevoir la sensation à son sommet. Semblablement on aspire aussi à percevoir le plus de cris perçants possibles pour les délices de son ouïe toute fraîche, laquelle au contraire de celle des plus âgés n'en est pas éprouvée.
«Créer un poncif, c’est le génie» écrivait Baudelaire dans Fusées. C’est, semble-t-il, ce à quoi s’attache Michaux, à sa manière, dans ce texte encore une fois inclassable. Ce poncif en question, celui de l’enfant-artiste (enfance de l’art diront certains), obsède les artistes du vingtième siècle – on songe à Picasso – fascinés qu’ils étaient par la question de l’origine et du geste primitif. Apologie de l’enfance, de la liberté de création, de l’authenticité en art, ce texte apparaît comme une double invitation : invitation d’abord à un retour en arrière, en ce temps peut-être rêvé où la simplicité faisait loi. Invitation ensuite à un refus, au refus de ce que Michaux lui-même appelle «l’enrégimentement adulte», qui amène le petit d’homme à ne plus croire au miracle, et à déserter l’Inconnu.