Le joli crime du carabinier
Doña Digna et doña Perfecta se mirent à hurler comme des folles. Caga-n'a-tenda assena un coup de marteau sur la tête de doña Digna et la jeta par terre; puis il lui en flanqua cinq ou six autres. Quand il se releva, ses canines dorées luisaient en un sourire sinistre; sa chemise était éclaboussée de sang... Sérafin tua donc Perfecta, plus par honte que pour tout autre motif. Il la tua à coups de parapluie, en lui cognant la tête avec le manche, en lui perçant le ventre avec la pointe. »
En 1942 paraissait La famille de Pascal Duarte. Dans l'Espagne franquiste, ce court roman d'un jeune homme de 26 ans fit l 'effet d'une bombe : traduit dans une trentaine de langues, il allait rendre son auteur célèbre dans le monde entier.
Plusieurs des romans et récits de Camilo José Cela ont paru en France mais, jusqu'à présent, le nouvelliste restait méconnu. Le choix que nous propose Claude Bourguignon montre les différents registres d'un humour qui a pour ressort essentiel la liberté intérieure.
Ce bref voyage à travers l'Espagne d'hier et d'aujourd'hui ne manque ni de charme ni de fantaisie. Mais, au détour d'un mot, d'une phrase, d'un portrait, d'une scène, le pittoresque soudain bascule vers la cruauté, parfois la plus abrupte.
En quelques pages, tout l'art de Cela : restituer l'atmosphère d'un bar, d'une course de taureaux, d'une fête populaire, d'une petite ville de province ; philosopher, à sa manière, sur le destin d'un réveil, des petits autocars, d'un pou, d'un chien d'aveugle, d'un braconnier ou d'un photographe ambulant ; dresser de saisissants tableaux de mœurs, aigre-doux sinon féroces, ou décrire la lente dérive vers le crime d'un homme ordinaire...