La Vérité en peinture
Disons que, pour m'en tenir au cadre, à la limite, j'écris ici quatre fois autour de la peinture.
1. Pour solliciter la philosophie (Platon, Kant, Hegel, Heidegger) qui domine encore le discours sur la peinture. Tout ce que Kant aura entrevu sous le nom de parergon (par exemple le cadre) n'est ni dans l'oeuvre (ergon) ni hors d'elle. Dès qu'il a lieu, il démonte les oppositions conceptuelles les plus rassurantes.
2. Pour décrypter le singulier contrat qui lie le trait phonique, avant même le mot (Gl, Tr, + R), au trait dit graphique. Il y va aussi de la lettre et du nom propre, de l'autobiographie et de la narration politique en peinture. La chance est ici donnée par Le voyage du dessin (Adami).
3. Pour analyser le ductus (idiome du trait comme signature du dessinateur) et le système de la duction (production, reproduction, réduction, etc.). I1 y va de l'initial et du paradigme, de la série, de la généalogie, du deuil et des restes en peinture. Cartouches (nom propre et commun, masculin ou féminin) intitule ici la chance donnée par The Pocket Size Tlingit Coffin (Titus-Carmel).
4. Assistant, non sans y prendre part, à un duel entre Heidegger et Schapiro pour savoir à qui reviennent en vérité les souliers délacés de Van Gogh, je demande ce qu'il en est du désir de restitution quand il a trait à la vérité en peinture.
Quatre fois, dira-t-on, autour de la peinture, donc dans les parages qu'on s'autorise, c'est toute l'histoire, à contenir comme les entours ou les abords de l'oeuvre : cadre, passe-partout, titre, signature, musée, archive, discours, marché, bref partout où on légifère en marquant la limite, celle de la couleur même. Du droit à la peinture, voilà le titre ambitieux auquel j'aurais voulu accorder ce livre, son trajet autant que son objet, leur trait commun, qui n'est autre, ni un ni indivisible, que le trait lui-même.
J.D.
Source : Flammarion