La Crève
Le soleil déjà haut tapé dur, un klaxon appelle le grutier du chantier voisin, le marteau piqueur rivalise de vacarme avec la bétonneuse tandis que les voitures s'entassent et s'affolent : un matin commence à Paris, un mercredi de juin dont le vacarme tire du sommeil Benoît Magellant. Il renâcle, temporise, finit par se lever. Il faut bien affronter les siens, puis s'en aller affronter les autres, vivre un jour de plus.
Pourquoi ce désenchantement, cette lassitude paralysante ? Vu d'un certain angle, le bilan est bon. Benoît a un métier qui lui plaît, une femme exemplaire, deux fils, une aisance de bon ton. Mais ceci compense-t-il cela ? Et cela, c'est être privé de Marie, rencontrée il y a cinq mois et aimée jusqu'à l'obsession, jusqu'à vouloir tout lâcher.
Benoît s'acquitte de ses tâches habituelles comme un somnambule. En fait, il pèse le pour et le contre, ressasse le passé et le présent. Avec le soir naît sa décision et il part pour la Suisse, vers Marie, vers l'avenir. Le sommeil rencontré en chemin conclut brutalement cette aventure de la quarantaine, dont l'analyse, fine et amère, a reçu en 1970 la consécration du Prix Fémina.
Source : Le Livre de Poche, LGF