La Cité Potemkine ou les Géométries de Dieu
Sur les ruines d’une centrale nucléaire jadis dévastée par la catastrophe, se dresse désormais une cité radieuse. Et pour attester que tout danger est enfin écarté, on a convié là, dans un luxuriant décor de vergers et de fleurs, d’éminents scientifiques du monde entier. Mais le géologue Yeshayahou Fridmann, le biologiste Zef Zimmerstein, l’anatomiste Nini, l’entomologiste Eva Mada-Göttinger et la jeune pédiatre Tania Slansk ne peuvent un instant se dissimuler l’innommable vérité : le processus biologique s’est inversé, certaines espèces désévoluent. On raconte même que seraient tenus captifs, dans les laboratoires secrets de la Cité, entre les mains des brigades médicales du "Docteur Meng" (au surnom de sinistre mémoire) des enfants à l’apparence cyclopéenne, pourvus d’un œil frontal, et dont le corps serait moitié homme, moitié lézard…
Aussitôt s’enflamment l’imagination et l’enthousiasme intellectuel des "experts". Mais comment servir la science, quand l’objet d’études est si scandaleusement dérobé au scalpel de l’intelligence ? Que croire, quand l’information n’est qu’un entrelacs de conversations exaltées ? A qui se fier, quand chaque savant de la commission d’enquête semble hanté par un drame personnel, ou retenu par de troublantes considérations subjectives ?
Ivre de conjectures, voici l’Homo scientificus en son éden empoisonné : un artiste des manipulations génétiques, un démiurge de l’atome, un dissecteur patenté, un génie de la procréation artificielle, un contempteur d’éthique, un rival de Dieu et de ses œuvres, face aux arcanes des géométries divines et aux plus baroques improvisations du vivant.
Avec ces thèmes musicaux que sont nos incertitudes, avec les abominations du siècle et les mirages expérimentaux de demain — mais aussi avec l’humanisme d’un conteur philosophe —, Rezvani a composé un grand roman métaphysique et scientifique qui invite l’homme à "penser" la science, et à trouver peut-être un chemin autre que régressif dans le triomphe de sa ruse et dans la débâcle de ses utopies.
La Cité Potemkine n’est ni un texte millénariste ni un pamphlet antiscientifique. C’est (hélas) un roman dangereusement actuel, animé d’une pensée redoutable.