Ce Feu qui ravage un été les collines des Maures et reflue vers la mer, est bien le héros du roman de Rezvani.

C'est lui qui révèle une Provence aux plages barbelées et aux forêts à l'abandon. C'est lui qui, lève littéralement tous les personnages du récit, comme autant d'animaux affolés qui fuient le cataclysme.

Il les décape jusqu'à ces zones obscures de la conscience que peu de romanciers, en France, s'étaient risqués à mettre au jour avec autant d'intrépidité.

Je veux dire avec autant de rigueur et d'abandon. Armel ou La Daube, les paysans, Maria et ses compagnons paumés d'une communauté en déroute, Vivie et Chris qui vivent une sorte d'amour sublime et éphémère, le vieux Tchaïski vautré dans l'alcool et la déchéance, et surtout Louis qui ne se rétablit que par la volonté de puissance, François Boulanger, l'observateur mélancolique et serein qui a fui le rêve américain pour accomplir son retour aux sources du vieux continent, de même que son frère Théo, faux prophète halluciné d'une juste révolte - tous vont être saisis par cette palpitation secrète du feu

. Et leur folie va tour à tour les éloigner, les opposer, les rassembler... On ne résume pas un livre aussi foisonnant, aussi dense, aussi .enfiévré. Il faut se laisser entraîner, habiter peu à peu par lui. Comment sortir indemne d'une telle lecture ?

Pour la première fois, Rezvani a renoncé résolument au roman d'inspiration autobiographique. Pourtant, c'est bien lui qui se contemple et qui se cherche dans le miroir de ces déracinés, qu'il côtoie ici et qui lui inspirent une immense tendresse. Il y retrouve sans doute comme le reflet de ses refus obstinés, de ses rêves et de sa générosité tragique.

Frédéric VITOUX