L'Islam et la science

Ernest Renan

L'Islam et la science
68 pages
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Ce volume contient la conférence sur l’islam et la science (pp. 21-45) donnée par Ernest Renan (m. 1892) à la Sorbonne, le 29 mars 1883, la réponse (pp. 47-59) de Jamāl al-D\u012bn al-Afghān\u012b (m. 1897), publiée sous forme de lettre au directeur du Journal des débats (18 mai 1883), et un appendice avec la réponse (pp. 61-68) de Renan à al-Afghān\u012b, publiée le lendemain dans le même journal. L’ensemble est introduit par une utile préface de François Zabbal (pp. 9-19).

Dans cette conférence, Renan énonce des concepts cardinaux pour la reconstruction de la science islamique telle qu’elle fut faite et transmise par les premiers orientalistes. À une première lecture, les idées de Renan peuvent paraître datées, de même que celles, à caractère racial par exemple, avec lesquelles l’Occident a fabriqué sa vision artificielle de l’Orient et de l’islam à l’époque coloniale. En réalité, certaines de ces idées n’ont pas perdu de leur actualité, mais bien au contraire ont été perpétuées jusqu’à très récemment : ainsi l’idée que l’opposition du milieu religieux au savoir scientifique fut une cause essentielle de la décadence des études scientifiques dans le monde islamique d’époque post-‘abbaside, ou encore la chronologie dichotomique des périodes de la science islamique soutenue par Renan (pp. 37-38), qui sert évidemment d’instrument à l’écriture comparative de l’histoire de la science européenne.

Comme le souligne F. Zabbal dans son introduction (pp. 11-12), les thèses de Renan sont influencées par ses théories linguistiques, et par sa croyance en la supériorité des langues indo-européennes sur les sémitiques. Selon Renan, la science qu’on appelle arabe, ou islamique, ne doit pas absolument être considérée comme le produit des Arabes ou de l’islam pour la simple raison que ses textes furent écrits en langue arabe. Pour lui la science islamique n’est pas islamique, mais un appendice du savoir grec, et les plus grands savants qui écrivirent en arabe n’étaient pas des Arabes, mais des nestoriens, des Harraniens, des Persans, des gens de Boukhara, de Samarcande, de Cordoue et de Séville. Par contre, l’Arabe nomade, selon Renan, est de tous les hommes le moins porté à la méditation, et même le moins mystique (p. 25). Notamment sous les « Sassanides ressuscités », i.e. la période ‘abbaside dominée par l’esprit persan, celle de la floraison majeure des sciences dans le monde islamique, il est héritier du grand savoir sassanide. La Perse, écrit Renan, « a su prendre dans l’islam une place à part ; elle est au fond bien plus chiite que musulmane » (p. 23).

Le discours qui se déploie entre Renan et al-Afghān\u012b est un eÎllent exemple de la manière dont, à l’époque coloniale, des interprétations essentielles de l’islam furent partagées par les orientalistes et les réformistes musulmans. La réponse de al-Afghān\u012b ne réfute pas les axiomes principaux des thèses de Renan. Bien qu’il conteste Renan, et notamment sur le point du caractère arabe (pp. 53-56), al-Afghān\u012b ne se préoccupe pas vraiment d’analyser les arguments qui pourraient s’opposer plus vigoureusement à l’interprétation de Renan. Réformiste, ouvert à l’assimilation de la science occidentale comme moyen de sortir le monde islamique de son déclin, al-Afghān\u012b est entièrement d’accord avec les points essentiels de la vision de Renan sur le rapport entre l’islam et la science, et notamment sur l’axiome de base selon lequel la religion musulmane a cherché à étouffer la science et à en arrêter le progrès (pp. 51, 52, 58). Tous deux sont également en accord sur le fait que ceci n’est en rien spécifique à la religion islamique, la même remarque pouvant s’appliquer au monde chrétien, mais avec la différence qu’en Occident, contrairement au monde islamique, la science a pu s’affranchir du domaine obscurantiste de la religion. La réponse de Renan s’ouvre ainsi sur un éloge

d’al-Afghān\u012b et de sa personnalité entièrement dégagée des préjugés de l’islam, où Renan n’hésite pas à trouver la preuve de sa thèse par son origine, non pas arabe, mais du haut Iran, voisin de l’Inde (p. 62).

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