Avant le silence (Onfray) T1 - Haïkus d'une année
Le haïku, c’est le dernier verbe juste avant le mutisme. Il constitue un exercice de connaissance extraordinaire car il apprend à voir ce qui advient de façon minimale, microscopique. Écrire des haïkus contraint à ne plus voir le monde de la même manière et à le saisir comme un prétexte à connaître les frissons du réel. Cette connaissance par les pointes, et non par les gouffres, génère une sagesse primitive. Le haïku dit ce qui a eu lieu sans les hommes, ce qui aura lieu sans eux, ce qui n’a pas besoin d’eux pour avoir lieu. Il dit pour n’avoir plus à dire, il manifeste pour laisser une trace qui s’estompe et disparaît – comme le réel. En matière de poésie, les mallarméens commencent par la fin et font disparaître le réel au profit du verbe ; à l’inverse, les auteurs de haïkus commencent par le début, ils saisissent le réel dans l’une de ses manifestations et utilisent le verbe au profit des images qui génèrent la sensation enfuie. Ils présentifient la disparition, ils actualisent la fugacité, ils fixent le mouvement, ils nomment l’éphémère, ils montrent l’à peine visible. Le haïku est l’ultime parole avant le silence.
Avant le silence est un recueil des haïkus d’une année, 2013-2014. Ce fut l’année pour Michel Onfray des derniers temps, de la mort de sa compagne de trente-sept années de vie commune, et du deuil – ce qu’il ignorait en écrivant son premier texte.