Fiction - Nouvelle édition, n°1
En février 1990, après 37 ans et 412 numéros de bons et loyaux services, la revue Fiction, émanation française de la revue Fantasy and Science Fiction, s'arrêtait, plongeant la nouvelle de SF française dans un désarroi dont elle ne devait sortir qu'une dizaine d'années plus tard, sous l'impulsion des anthologies du Fleuve Noir. Aujourd'hui, les Moutons électriques, maison d'édition jeune, mais consciente de ce que doit la SF à Fiction, décide de ressusciter cette revue, dans une forme légèrement différente. Il s'agit désormais d'une anthologie semestrielle, présentant pêle-mêle nouvelles issues de la revue-mère et textes francophones (inédits ou non). L'amateur nostalgique sera donc content de cette renaissance ; reste à voir si celle-ci est à la mesure de l'attente des espérances qu'elle avait suscitées.
Malheureusement, malgré toute la bienveillance dont on veut entourer cette entreprise sympathique, le premier passage obligé de cette critique sera un coup de gueule sans rémission. Car, il faut bien le dire, de mémoire de chroniqueur — voire de lecteur, je n'avais jamais vu un livre grevé par autant de coquilles. Table des matières déficiente, fautes d'orthographe et de grammaire à la pelle, parfois une demi-douzaine par page. Même si cela n'enlève rien à la qualité intrinsèque des textes, cela nuit très fortement à la lecture, et ôte en ce qui me concerne les trois quarts du plaisir de celle-ci. Et comme la maquette est de très bon goût, couverture souple, photographies ou illustrations nombreuses, le côté criard de ces fautes n'en est que plus évident.
Cet écueil passé, concentrons-nous sur le quart restant de plaisir mentionné ci-dessus, représenté par les textes eux-mêmes. Et force est de constater que, bien qu'ils soient très divers, aucun ne m'a semblé inoubliable. On passera rapidement sur les textes sans aucun intérêt de Jim Dedieu et illisible d'Utley, pour mentionner le mini-dossier Le Guin, avec deux nouvelles, dont une obtint les prix Nebula et Locus (c'est lui faire beaucoup d'honneur, même si le texte se laisse lire), et surtout un article très intéressant de Margaret Atwood. C'est peut-être d'ailleurs le principal motif de satisfaction de Fiction nouvelle version : les articles, tous intéressants . Jean-Michel Margot nous dresse un historique des études sur Jules Verne, et François Angelier signale l'absence manifeste d'androïdes et d'automates dans l'oeuvre du même Verne. Mais revenons aux nouvelles, pour signaler les textes de Jeffrey Ford, toujours inclassable, Jean-Jacques Régnier, SF humoristique plaisante qui part néanmoins un peu dans tous les sens, et de Terry Bisson, prévisible mais émouvant.
Au final, on retirera de ce premier tome une lecture mitigée : le plaisir de renouer avec l'Histoire du genre se trouvant gâché par une absence de relecture coupable. On attendra donc le deuxième tome pour se faire une idée de la direction dans laquelle nous emmènera Fiction dans sa mouture Moutons.