1899-1900
L'Interprétation du rêve (1900), enfin ! Il aura fallu plus d'un siècle pour que le public français puisse lire, dans une traduction sérieuse, l'ouvrage fondateur qui fit du rêve le hiéroglyphe des temps modernes. La clef freudienne des songes n'est plus celle de l'oniromancie : elle n'ouvre pas les portes de l'avenir mais entrouvre celle des configurations actuelles du désir inconscient. S'il eut été Joseph, Freud eut appris à Pharaon autre chose que les futures plaies d'Égypte.L'élaboration de L'Interprétation du rêve fut solitaire, longue et pénible. Son enjeu, dans le parcours freudien, est décisif : faire la jonction entre les premiers travaux de psychopathologie consacrés aux névroses (Œuvres complètes : tome II ou Premières théories des névroses) et la psychologie de l'homme normal. Mais aussi, de façon plus discrète, révéler pour la première fois à l'humanité que l'histoire d'Œdipe n'est pas étrangère à ses rêves les plus secrets. Du symptôme au rêve, la voie est droite, "royale", vers la théorie de l'inconscient (chapitre VII). Freud fut déçu par l'accueil plutôt froid réservé à sa première grande œuvre. On est loin du beau scandale que déclenchera cinq années plus tard les Trois Essais sur la théorie sexuelle. Les développements de 1900 sont limpides mais denses ; leur langue est belle ce qui n'empêche pas la pensée qui les guide d'être rigoureuse, donc exigeante. L'importance des analyses métapsychologiques du dernier chapitre n'a d'abord été comprise, en Allemagne, que par très peu de lecteurs. En France, les négligences de la traduction de Meyerson (1926) n'ont pas simplifié la lecture