Mon livre surprise
Le château de la Belle au bois dormant
Souvent j'ai jeté un appel d'alarme vers mes amis inconnus pour qu'ils m'aident à secourir des détresses humaines, et toujours ils ont entendu ma voix. Aujourd'hui il s'agit de secourir des arbres, de nos vieux chênes de France que la barbarie industrielle s'acharne partout à détruire, et je viens implorer : « Qui veut sauver de la mort une forêt, avec son château féodal campé au milieu, une forêt dont personne ne sait plus l'âge ? »
Cette forêt-là, j'y ai vécu douze années de mon enfance et de ma prime jeunesse ; tous ses rochers me connaissaient, et tous ses chênes centenaires et toutes ses mousses. Le domaine appartenait alors à un vieillard qui n'y venait jamais, vivait cloîtré ailleurs, et qu'en ce temps-là je me représentais comme une sorte d'invisible personnage de légende. Le château restait livré à un régisseur, campagnard solitaire et un peu farouche, qui n'ouvrait la porte à personne ; on ne visitait pas, on n'entrait pas ; j'ignorais ce que pouvaient cacher les hautes façades closes et ne regardais que de loin les grandes tours ; mes promenades d'enfant en forêt s'arrêtaient au pied des terrasses moussues, enveloppées de la nuit verte des arbres et de leur silence.