Un homme d'influence, Sir Siegmund G Warburg (1902
Né avec le siècle dans une très ancienne famille de banquiers juifs, Siegmund Warburg, à l'exemple de ses plus grands ancêtres, commence sa carrière comme banquier et conseiller du Prince en Allemagne.
Dans les tourbillons de Weimar qui ruinent son père, il participe aux tortueux financements des réparations allemandes. Et lorsque l'économie de la dette laisse place à l'économie de la guerre, l'avènement de Hitler l'envoie à Londres, avec son nom pour tout capital. Il y fonde une petite société financière, y invente les modes de financement des Alliés en guerre, et contribue à briser ceux de l'Allemagne au moment où Hitler détruit, avec son peuple, la banque que sa famille a mis plus de deux siècles à bâtir.
Après la guerre, tout recommence. Il relève le nom de la famille, crée à Londres sa propre banque, S.G. Warburg and Co. En vingt ans, il y devient de nouveau le premier banquier de la place, conseiller du Prince, et invente les principales techniques de la finance d'aujourd'hui, des offres publiques d'achat aux euro-émissions.
Mais, également avant les autres, il voit se profiler l'impuissance de l'Europe, la rébellion du tiers monde, la montée du Japon et les difficultés d'Israël.
Alors, guetteur devenu lui-même signe, sans le savoir peut-être, quarante ans presque jour pour jour après son premier exil, il quitte de nouveau un monde qui a fait sa fortune mais dont il sent venir la fin.
Etrange destin d'un homme presque seul, dont l'obsession unique est de relever son nom et d'en prolonger l'influence, au coeur des principaux cyclones de ce siècle. Vigile d'un temps de barbarie, jamais résigné à sa défaite.
Prince de la finance, aventurier du siècle, écouté des hommes de pouvoir sans jamais en être un lui-même, il a vécu une de ces très grandes vies à l'ombre desquelles rien ne pousse.Homme d'influence : ainsi aime-t-il à se vouloir lui-même, comme le Joseph des Ecritures et celui de Thomas Mann qu'il place plus haut que tout; c'est-à-dire homme de séduction sur ces autres hommes qui prétendent, eux, avoir du pouvoir sur les choses.J.A.