Rien que la terre
On ne s'en étonnera pas sous la plume magique de Paul Morand : Rien que la terre, paru en 1926, est un « voyage ». Voyage entamé à New York, poursuivi à Vancouver, mais où l'Amérique n'apparaît que comme un tremplin pour s'enfoncer en Asie, en Extrême-Orient. Le Japon (où les sabreurs ressemblent à Montherlant), Pékin l'obscure, le plus grand bar du monde à Shangaï, Manille et son aquarium, le Siam et Ceylan sont quelques-unes des étapes de Rien que la terre. Qui dit voyage avec Morand dit détails incongrus, émotions rares, va-et-vient constants entre l'exotisme radical et les banlieues d'un coeur resté à quai - un tertre de gazon à Bangkok rappellera Meulan, comme une venelle de Pékin, La Garenne-Bezons... Le voyageur Morand est observateur et cultivé, pas dupe quand il souligne que « les solennités coûteuses, l'apparat sont bien le pain des régimes absolus », et prophétique quand il annonce et redoute « le tour du monde à quatre-vingts francs ». Malgré tout l'auteur croit encore aux mystères du monde, pour guérir des chagrins, de l'uniformité et de la honte de vivre. Son mystère à lui, c'est la lame du style qui découpe le globe en parts enchantées, surréelles, presque enfantines.