Chroniques, 1931-1954
Toute sa vie, Paul Morand fut un professionnel de la flânerie mentale, un esthète de la déambulation émotive, un expert dans la dégustation d'instants choisis. L'anthologie que publie aujourd'hui Jean-François Fogel (à qui l'on doit un fort gouleyant Morand-Express) ne fait que confirmer cette image et raviver notre nostalgie pour cet art de chiner les impressions qui fut celui de l'ambassadeur académicien. Composé de textes prélevés dans les neuf recueils publiés entre 1931 (Papiers d'identité) et 1954 (L'Eau sous les ponts), classé en hommes et en lieux, ce fort volume de chroniques nous montre un Morand virevoltant de Dumas à Malraux, de Gide à Tartarin, ricochant de Lyon à Salzbourg via Manille ou Villefranche-sur-Mer, rebondissant d'impressions sur la tulipe à des considérations sur le feu ou la grammaire, picorant la Terre entière comme l'oiseau un fruit mûr. Tout peut alimenter le pétillement de son feu : un souvenir, un paysage, une impression, une senteur ou un bruit. Ce qui sidère le plus dans cette bruissante volière de textes brefs et brillants, c'est un singulier mélange de frivolité et d'acuité, d'analyses papillonnantes. Morand fait sienne une sorte de gravité futile où profondeur et furtivité vont de pair. À lire avec entrain et nostalgie comme le témoignage d'un temps où l'on filait de Paris à Moscou à la seule force de sa carte de visite. --François Angelier