Relations d'incertitude
Hélène est une journaliste scientifique débutante. Edgard, à soixante-cinq ans, un physicien connu. Ils se proposent d'écrire ensemble un ouvrage de vulgarisation. Rapidement, l'entreprise se transforme en un rituel immuable et inattendu, fait de tête-à-tête à jour et heure fixes. Ils partent d'une question innocente : quel est le lien entre l'élaboration d'une pensée scientifique et le parcours humain de son auteur ? Hélène veut lire les événements à la lumière des théories du professeur qui a consacré toutes ses recherches au vide quantique et à l'origine de l'univers. Un premier épisode éveille la curiosité de la jeune femme. Edgard a une réputation sulfureuse : il a failli être renvoyé de l'université au début de sa carrière. Questionné, il admet avoir mené une vie parallèle comme transporteur de pierres précieuses pour des diamantaires anversois. Jusqu'à son arrestation dramatique dans un aéroport indien. Enfermé comme un bandit dans des geôles médiévales, sans aucun recours judiciaire, il est menacé d'y finir ses jours - un vrai Midnight Express. Cependant, à force d'astuces et de réflexion, il parviendra à s'en échapper de manière rocambolesque. L'épisode, traumatisant, l'incitera à intensifier ses recherches sur le vide et à exploiter pleinement l'hypothèse du bootstrap, une façon de concevoir l'origine de l'univers à partir de vide quantique, sans recours au big bang. Cette première confidence les entraîne dans une spirale historique car elle amène l'homme mûr à explorer des épisodes d'un passé qu'il voulait oublier. Pendant la guerre, Edgard a été enfant caché dans une famille bruxelloise. Ses parents, juifs de l'Est émigrés en Belgique au début du siècle, se sont connus dans les premiers kibboutz, puis sont devenus communistes militants, ont combattu dans la guerre d'Espagne et ont joué des rôles multiples dans la résistance et l'Orchestre Rouge. Le père, arrêté, fut déporté et exécuté à Mauthausen. La mère, toujours animée d'une foi vibrante dans l'idéal communiste, imagina, quelques années après la guerre, d'aller vivre en Pologne. Ce sont les années de plomb staliniennes. La réalité est insupportable. Mais plus moyen de sortir. Décidés à s'enfuir, la mère et le fils devront leur survie à leur extraordinaire capacité d'adaptation et d'imagination, au terme d'un long voyage clandestin. Pour Hélène, la journaliste qui dévide le fil rouge de ces récits imbriqués, c'est une initiation inattendue à des réalités historiques qu'elle préférait ignorer, à quelques notions pointues de cosmologie et, doucement, à une rencontre amoureuse. Histoire et considérations scientifiques forment la toile de fond d'un suspense psychologique, où la vérité d'un personnage se précise et s'échappe tout à la fois au cours des conversations. Toute ressemblance avec les deux conteurs n'est pas e¬tement une coïncidence. Mais, de leur talent et de leur maîtrise conjugués, naît un couple de fiction éblouissant, une leçon d'humanité, d'humour et de philosophie, souriante et époustouflante. L'originalité de cette écriture à quatre mains tient aussi à une aventure humaine singulière : un homme de science s'est fait romancier, et la romancière, en quête d'une pensée scientifique, s'est mise au service d'une entreprise maïeutique exemplaire.
--Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.