Dresde, 1956 : dans cette ville étrange, fantomatique, encore hérissée de ruines, un congrès de chirurgie dentaire réunit des spécialistes du monde entier. Pour l'unique participant américain. Norman Corinth, blessé de guerre au visage ravagé, c'est l'occasion d'un retour sur le secret de son passé. Car onze ans plus tôt, en février 1945, Corinth était à bord d'un des bombardiers qui, en une nuit, anéantirent la ville et sa population.

Dans ces lieux dévastés, Corinth promène une apparente insensibilité de pierre. Il séduit Hella, la jeune femme chargée de servir de guide aux hôtes occidentaux, mais ce qui est pour lui une simple conquête sans lendemain devient pour elle un amour tragique. Aux pas d'Hella s'attache aussi Schneiderhahn, personnage énigmatique, tour à tour bouffon et inquiétant, qui ne cesse de remuer les cendres encore chaudes du passé. Est-ce un criminel de guerre nazi ou au contraire un provocateur, un espion qui cherche à démasquer Corinth, à débusquer la culpabilité qu'il a enfouie au fond de lui? Dresde, avec ses amours et ses fantômes, se referme comme un piège sur l'Américain.

Guerre et amour : jamais l'équivalence paradoxale de l'éros et de la destruction n'a éclaté avec autant de force. Elle est ici au coeur même du langage de l'écrivain. Jamais, non plus, on n'aura mieux compris que les atrocités qui font cortège à tous les grands conflits échappent aux catégories de l'histoire et poursuivent une vie autonome en nous et dans le monde. Un monde dont Harry Mulisch donne une vision tragique mais inspirée, chaotique mais lumineuse.

Entre seconde guerre mondiale et mythologie classique, un monde dominé par l'horreur gratuite