Monet
On connaît le jugement de Cézanne sur Monet : Ce n'est qu'un oeil , jugement qu'il croyait généreusement tempérer par : mais quel oeil ! En fait, Cézanne innocemment bardé de la certitude de sa propre petite sensation , petite sensation qui le menait à faire du Poussin sur nature et sur laquelle devait, peu après sa mort, se fonder le cubisme, ne s'apercevait pas que l'oeil de Monet voyait encore plus loin que le sien, et qu'à partir du regard de Monet, et déjà de son vivant, allait commencer de se développer au long du siècle l'immense aventure de l'art abstrait. Cézanne percevait bien que le cas de Monet était quelque chose qui concernait l'oeil, mais il se trompait l'oeil. L'immense révolution qu'initiait le regard de Monet sur le monde, résultait de ce qu'il le regardait désormais avec son troisième oeil, celui du front, tandis qu'il clignait des deux autres, pour mieux voir ce qu'il y a derrière les apparences.