Les Circonstances de la vie
Les Circonstances de la vie", c'est "Madame Bovary" à Aubonne, a-t-on pu dire. Aubonne, petite ville vaudoise, au pied du Jura, où pendant quelques mois de 1902-1903, Ramuz enseigna.
1905-1910, ce sont les années naturalistes de Ramuz. "Aline", "Jean-Luc persécuté", "Aimé Pache". Ramuz s'est installé à Paris. Aubonne est reconstitué dans le 14e arrondissement. On voit mieux la Suisse depuis Paris, ne cessait de dire Ramuz. Et, de fait, la description de la petite ville-un village au début du siècle-est d'une précision clinique. Ramuz, dans toute son oeuvre, n'ira jamais plus loin dans le réalisme. On évoque Flaubert : mais un Flaubert plus sarcastique et parfois même très cru. Il y aura même quelques protestations et une censure de certaines scènes ou certains mots.
C'est la vie quotidienne d'une petite ville, avec son ennui provincial et ce qui se passe quand on s'y ennuie. Quelques années plus tard, Ramuz imprégnera ses romans de lyrisme et de métaphysique. Déjà, "Jean-Luc persécuté" est envahi de mysticisme et d'un désespoir qui dépasse le réalisme dans l'outrance. A Paris, le naturalisme est de mise et Ramuz s'interdit toute émotion. Cette retenue lui vaudra l'estime du jury du Goncourt de 1907. Mais on lui préférera un certain Emile Moselly.
Un Ramuz insolite, un peu entre parenthèses, qui, après avoir trouvé son style et sa manière avec "Le Petit village" et "Aline", hésite, revient en arrière, se laisse influencer, expérimente et doute. "Les Circonstances de la vie" témoigne de ces fluctuations, mais n'en reste pas moins un grand roman. Parce qu'en toute époque, Ramuz est Ramuz : l'artiste, l'observateur, le penseur et le sculpteur de mots.