Le syndrome de Kitahara
Deux morts gisaient noirs, en janvier, au Brésil. Un feu qui bondissait depuis des jours à travers une île sauvage, laissant derrière lui des laies carbonisées, avait libéré les cadavres d'un entrelacs de lianes fleuries, dévoilant également des blessures sous les vêtements brûlés : c'étaient deux hommes à l'ombre d'une saillie rocheuse. Ils étaient étendus, invraisemblablement désarticulés, à quelques mètres de distance seulement, entre des tiges de fougères. Une corde rouge qui les reliait l'un à l'autre se consumait dans la braise. »
Fascinant, flamboyant, hors du temps, Le Syndrome de Kitahara, qui renvoie sans cesse au passé halluciné des crimes nazis, s'inscrit dans l'ère mythique de l'éternel recommencement des guerres et des paix planétaires. Laissant filtrer les lueurs fantasmagoriques d'un véritable crépuscule des dieux, ce roman — Prix européen de littérature (Aristeion 1996) — marque l'apogée de l'oeuvre littéraire entreprise par Christoph Ransmayr avec Les Effrois de la glace et des ténèbres (1984) et Le Dernier des mondes (1988). Sans doute le plus grand livre de la littérature allemande depuis Le Tambour de Günter Grass.