Le crève-Cévenne
D'après Zola, y a-t-il autre chose en art que de livrer ce qu'on a dans le ventre ? Alors cet été-là, pardonnez-moi, je me suis soulagé : ma Cévenne, mes voisins, mes parents, mes amis, les mineurs, les paysans, mon atavisme huguenot, mes idéaux marxistes, sur la terre comme au ciel, et sous la terre, la tramontane, la vigne et le charbon, un cocktail, un " mescladis " selon le vocable occitan, tout cela partait d'un lieu, un village que je nommais Clerguemeont, qui rayonnait comme un soleil dont la chaleur allait réverbérer jusqu'à Paris, jusqu'à Hambourg... Les Rebelles, je persiste et signe, c'était le meilleur de mon passé... Mais qu'est-ce qui nous est arrivé dans ce virage brutal du milieu de notre vingtième siècle ? Dans les années 60, quand j'écrivais la trilogie, je croyais encore que Clerguemeont perdurerait...
qu'au moins l'esprit rebelle de ses descendants de camisards et de maquisards serait éternel. Le pays de mes rebelles n'existe plus. C'est un espace romanesque qui répand le parfum perdu des puissantes armoires de jadis que l'on ne préservait pas des mites avec du poison, mais avec des sachets de lavande. Voire... Dans ces années 30, c'était le krach de la bourse de New York, il y avait des millions de chômeurs dans le monde, fascisme et racisme montaient partout, Gauche et Droite se fusillaient et Espagne...L'Histoire a tendance à réchauffer ses fours. Peut-être bien que soixante ans plus tard, à la fin de notre putain de siècle, ces trois bouquins, et le Crève-Cévenne qui est en quelque sorte l'épilogue, se liront d'un regard dessillé.