Le Verrou
Le verrou, c'est celui qui fermait la porte des combles de la villa où Massimo Cuori entraînait jadis Nora Neumann pour célébrer, avec une religiosité fanatique, le corps de sa jeune maîtresse. Désormais patriarche d'une famille à la respectabilité sans faille, il entreprend le récit de la seule transgression de sa vie d'homme.
Dans une minutie affolée, sa mémoire lui restitue chaque chatoiement, chaque flamboiement de cet été où il tint son amante captive d'une passion idolâtre, vénale et par là sourdement criminelle. Massimo Cuori en effet n'a rien pu oublier du premier instant où il aperçut celle qui serait l'objet de son désir, une jeune Autrichienne que prostitue sa mère, rien du moment où, quand elle a seize ans, il la retrouve serveuse dans un hôtel de Vienne, pour la séduire, l'enlever, et l'introduire comme sa fiancée dans la riche demeure familiale.
Lorsqu'il écrit sa confession, ses petites-filles s'éveillent sous ses yeux aux ambiguïtés de l'adolescence, n'en imposant qu'avec plus de rigueur l'image de Nora Neumann, jusqu'à ce que, traversant le temps et les apparences, austère et brusque, la plus secrète vérité de cette jeune fille vienne éblouir les derniers jours du narrateur de la lumière d'une compassion sans bornes.
C'est sur ce chemin de Damas, celui irrévocable et graduel d'une conversion, que nous conduit le nouveau roman de Muriel Cerf, dans une écriture singulièrement enivrante et magnifiquement inspirée.