La vie quotidienne en Russie au temps du dernier Tsar
Rompant quelque peu avec les traditions de la collection des Vies Quotidiennes, Henri Troyat a lié ce tableau de la Russie en 1903 au voyage d'un jeune Français, Jean Roussel. Mais bien que la présence de ce promeneur curieux, qui finira par épouser la fille de ses hôtes moscovites, donne à ce livre une résonnance et un charme de roman, une solide documentation, vivifiée d'ailleurs par les souvenirs de récits entendus par l'auteur lui-même dans son enfance, lui assure aussi, sur le plan historique, une inattaquable solidité. Comme le constate le jeune Roussel, il n'y avait pas alors un Moscou unique, mais "vingt, trente Moscou" juxtaposés. On s'en convainc en suivant cet aimable enquêteur dans la ville des riches négociants, dans celle des nobles, bref dans le Moscou du luxe avant de passer avec lui dans les divers quartiers qu'occupent les artisans, les ouvriers, les mendiants. Nous nous émerveillons de la splendeur des fêtes impériales, nous restons horrifiés devant les immenses dortoirs crasseux où s'entasse un peuple d'ouvriers, avec toute leur famille (soixante pour cent des ouvriers moscovites vivaient ainsi) ; nous participons au recueillement des fidèles agenouillés devant les icônes dans leurs églises constellées de lumières.