La grosse Marfa
Un jour, elle a débarqué.
Ça faisait presque deux mois que j'étais interprète à Kutno, deux mois de relative quiétude mêlée de soubresauts de peur intense - et souvent de diarrhées à m'en déchirer le ventre. Elle, la nouvelle arrivée, c'était Marfa, une grosse Polonaise d'au moins cinquante ans, avec des bourrelets sous le cou, de la sueur au front et le souffle épais à chaque fois qu'elle produisait un effort prolongé - une constitution de femme, après tout...
J'ai tout de suite eu une espèce de confiance, disons animale en elle ; dès que je l'ai vue, dès la première parole, en croisant son gros nez de pomme rouge et ses yeux de fillette qu'un rien amuse : les grognements de la truie, un merle tapageur dans un buisson, un mot... Marfa Griboska, c'était son nom.