La Part du feu
Admettons que la littérature commence au moment où la littérature devient une question. Cette question ne se confond pas avec les doutes ou les scrupules de l'écrivain. S'il arrive à celui-ci de s'interroger en écrivant, cela le regarde ; qu'il soit absorbé par ce qu'il écrit et indifférent à la possibilité de l'écrire, que même il ne songe à rien, c'est son droit et c'est son bonheur. Mais ceci reste : une fois la page écrite, est présente dans cette page la question qui, peut-être à son insu, n'a cessé d'interroger l'écrivain tandis qu'il écrivait ; et maintenant, au sein de l'œuvre, attendant l'approche d'un lecteur - de n'importe quel lecteur, profond ou vain - repose silencieusement la même interrogation, adressée au langage, derrière l'homme qui écrit et lit, par le langage devenu littérature.