Jeanne dite Jeanne d'Arc
« Vivante énigme », dit Michelet, en parlant de Jeanne, cette Jeanne qui ne fut jamais « d’Arc » que fictivement, littérairement, et un siècle et demi après elle.
Est-il vrai que son destin soit tellement énigmatique ? Je ne crois pas ; mais peu semblable à ce qu’en raconte la légende.
Utilisée par une cour froide et hautaine comme une auxiliaire que l’on pourrait, aux yeux des simples, faire passer pour divine (Gott mit uns !), Jeanne, bientôt, devint importune. Elle déplaisait, elle irritait ; on méprisait cette fille de rien, entêtée, indocile. Par deux fois, j’en ai l’impression, la chancellerie de Charles VII s’efforça de l’envoyer à l’abattoir. Et rien de moins mystérieux que son procès et son supplice, dont l’Inquisition, c’est-à-dire l’Eglise, porte la responsabilité.
Mais le mystère qui demeure, c’est Jeanne elle-même. Ni folle, ni menteuse ; aucun doute à ce sujet. Une fille sans beauté, un peu courtaude, gaie, subtile, volontiers gouailleuse, pleine de sève et de feu ; une gosse hors série, attachante au suprême degré. Ces « voix » qui la conduisirent, ces « anges » qu’elle aurait vus (« de mes yeux, vus ! ») cette mission dont elle était sûre d’avoir reçu la charge et qui décida de tout, pour elle, y compris sa mort horrible, qu’est-ce que c’était, qu’en pouvons-nous penser aujourd’hui ? Il n’est pas défendu de proposer une réponse.