Il est où, le bonheur
Veut-on une écologie du consensus ou du conflit ? Faut-il en passer par la rue ou par les urnes ? Par la violence ou par les petits gestes quotidiens ? Par le haut ou par le bas ? François Ruffin s'adresse aux "Jeunes pour les climat" en traçant un chemin, en s'appuyant sur notre histoire sociale. Le mardi 23 juillet dernier, Greta Thunberg et ses jeunes amis visitaient l'Assemblée nationale. " La bataille pour le climat, nous la gagnerons tous ensemble ! ", entendait-on alors.
"Nous sommes tous sur la même planète, tous sur le même bateau", "les grands défis, nous ne les résoudrons qu'en agissant ensemble, en étant davantage réconciliés...". Au nom de l'écologie, les injonctions au consensus pleuvent de partout. Voilà que cet impératif, sauver la planète, nous rassemblerait tous, riches et pauvres, damnés de la Terre et actionnaires, par-delà les frontières, tous unis contre la catastrophe en cours.
Voilà que ce nouveau spectre, le réchauffement, éteindrait "la guerre des classes". Au contraire, me semble-t-il. Au contraire. "La guerre des classes existe, déclarait le milliardaire américain Warren Buffett, et c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la remporter". Cela vaut pour l'environnement également : si nous sommes tous sur le même bateau, eux dansent sur le pont, tandis que nous voyons l'eau monter dans les cales.
Et ils préparent leur exil, en Norvège ou en Suède pour les banquiers de la City, dans des ranchs de Nouvelle-Zélande pour les branchés de la Silicon Valley. La crise écologique aiguise cette lutte, même, la renforce. La "guerre" ne porte plus seulement sur le niveau de vie, mais sur la vie elle-même. Nous sommes engagés dans un combat, des "Terriens" contre des "forces destructrices", de l'intérêt général contre les multinationales.
Nous avons des adversaires, et ils sont organisés, avec des bataillons d'avocats, de lobbies, d'éditorialistes, d'élus, jusqu'au sommet des Etats, qui tout à la fois mènent la guerre et qui, chez nous, la dissimulent. Ils la déguisaient hier sous des études climato-sceptiques et la masquent aujourd'hui sous la "croissance verte", le "développement durable", ou des phrases non dénuées d'hypocrisies : "nous ne pouvons agir seuls", "il nous faut un cadre européen", "ne pas nuire à la compétitivité"...
Nous sommes dirigés par des psychopathes du profit, de la croissance, de la concurrence, et ils nous dirigent droit dans le mur. Nous devons leur reprendre le volant des mains. Nous devons appuyer sur le frein.