Franquin, Jijé : Créateurs de bande dessinée
Ce livre est la réédition de ce que certains appelleraient un « classique », paru en 1969 dans la collection de poche Réussir de Marabout. Il eut un bon succès puisqu’il connut deux tirages qui totalisèrent ensemble 50,000 ex.
Tous ces aspects s’expliquent en partie parce qu’il était à l’époque un des rares livres sur la bande dessinée, et peut-être surtout parce qu’il insistait sur la notion de métier. Il visait donc, d’une manière sur bien des points inédite, un public moins intéressé par des questions théoriques ou historiques (voire nostalgiques) que part des problèmes pratiques. Au-delà des affinités de l’interviewer, le choix des auteurs reflète cette démarche, car Jijé et Franquin avaient un public plus jeune que Tintin et Astérix (ouvertement lu par des adultes) et n’apparaissaient pas (ou du moins pas encore) suffisamment eÎptionnels dans leur talent de créateur ou leur succès en librairies.
Cette réédition reste bien venue, car elle a l’intelligence de ne pas faire un énième quasi-fac-similé comme on en trouve tant dés qu’il s’agit de bande dessinée et de ses alentours. L’éditeur Frédéric Niffle a enrichi cette édition de tout un appareillage de notes et de documents clairs et non rébarbatifs, qui resituent et relativisent intelligemment les propos, arguments, chiffres, anecdotes, évolutions éditoriales, vie des créateurs, etc.
Tout cela fait que ces entretiens n’intéresseront pas uniquement les « fanatiques » du franco-belge d’avant les années 80, mais aussi les personnes s’intéressant aux techniques et problèmes que rencontre un créateur de bande dessinée. Les conseils de mise en couleur de Franquin par exemple, peuvent paraître archaïques aujourd’hui, mais ils sont contrebalancés par une série de notes expliquant clairement les nouvelles techniques de mise en couleur. Au final le livre oscille entre vieilles recettes (loin d’êtres caducs) et techniques de pointe, donnant un portrait unique et diversifié du métier de créateur de bande dessinée.
Ce livre est aussi dédié à P. Vandooren décédé en juillet 2000 et qui entre autres moultes choses dirigea la rédaction de Spirou de 1982 à 1987. Un triple hommage sous-tend donc ce livre. Une dimension triadique qui s’étend en finesse à tout l’ouvrage (que F. Niffle qualifie lui-même de « très complexe à réaliser ») en mélangeant créateurs, techniques et histoire/critique de la bande dessinée.